Texte d interpellation, 5 septembre 2011

QUARTIER SAINT GERY : POUR QUI ?

Interpellation du Comité de quartier Saint Géry
à l’issue du conseil communal de la Ville de Bruxelles, le 5 septembre 2011.
(Marc De Maeyer, porte parole)




Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et messieurs les Echevins,
Mesdames et Messieurs les conseillers communaux.



Fin juillet, une des dernières familles avec enfants a quitté le quartier Saint Géry.
Parce que, entre autres, le quartier n’offre plus rien aux familles avec enfants. Il est devenu un quartier mono fonctionnel entièrement dédié au secteur Horeca. Peu d’autres commerces ouvrent et … se maintiennent;  les habitants passent.

Nous n’avons rien contre le secteur Horeca : nous vivons au centre ville parce que nous l’avons décidé, parce que le pouvoir public y a effectué des travaux importants, parce que nous aussi, nous avons investi de l’argent, parce que nous aimons les centres villes animés, multiculturels, innovants, sécurisés.

Or, malgré la façade, ce n’est plus le cas dans le quartier St Géry.

Le quartier n’est pas animé; il est le terrain d’action du business des organisateurs d’événements ; son espace est vampirisé par les cafés; la nuit, certains cafés se transforment en discos clandestines, les trottoirs deviennent des terrasses, les rues sont les extensions « fumeurs » des cafés.

Le quartier est artificiellement animé par des événements plus que des fêtes, provoquant des nuisances pour les habitants, au mépris de leurs avis et au mépris de vos lois et règlements.

Le quartier est un théâtre où les organisateurs d’événements viennent y installer leurs services et repartent, tôt le matin, laissant aux habitants, sans sommeil, toutes les ordures et autres traces de l’animation commerciale. Essayez de nous comprendre, même si c’est un peu difficile pour vous qui n’habitez pas dans des rues où sévissent, toute la nuit, des discothèques clandestines.

Les infractions sont nombreuses, vous les connaissez et  pourtant rien ne change. Et c’est précisément cela qui nous interpelle.

Depuis des années, nous attendons des réponses aux lettres que nous envoyons au collège des bourgmestre et échevins; nous avons des contacts réguliers avec les services administratifs de la ville, avec la Police, avec les autorités régionales. Depuis des années, nous essayons d’avoir un dialogue honnête avec les gérants des Horeca, d’obtenir au minimum un contrat de confiance et pourtant, les récents événements, tels le gazon et le Brussels Summer Festival,  l’ont prouvé : il n’y a aucun respect de la parole donnée et les infractions sont tolérées.

Nous avons aussi rencontré tous les partis politiques démocratiques représentés au sein de ce conseil; certains d’entre vous nous ont dit leur surprise devant les faits que nous leur présentions; d’autres ont essayé de comprendre les dysfonctionnements; beaucoup nous ont dit qu’il sera difficile de faire respecter la loi, tellement, dans ce quartier, les intérêts financiers et les enjeux politiques y jouent les rôles essentiels.

Nous, nous sommes de ceux qui veulent que ce soient les élus qui prennent les décisions et non les gérants Horeca ou les organisateurs d’événements.

L’Horeca n’a pas à prendre des fonctions qui ne sont pas les siennes: il ne doit pas assurer la sécurité, il ne doit pas aller plus vite que les décisions en matière d’urbanisme; il ne doit pas se proclamer responsable de la culture; en un mot, il ne doit pas prendre votre place.
Le dossier qui vous sera transmis, ainsi qu’à la presse, montre que des dysfonctionnements graves continuent d’avoir lieu, en connaissance de cause; pire, que des initiatives vous échappent.

Ces dysfonctionnement ne doivent pas être tolérés au nom du développement économique ou culturel du quartier car, pour ceux qui y habitent et ceux des environs, il n’y a pas de retombées économiques ; il n’y a pas d’innovation culturelle;  il n’y a que des marchants.

Le quartier n’est plus sécurisé : que l’on ne vienne plus nous dire de manière simpliste qu’avant le quartier était pire; oui, mais nous espérons que la politique en matière de sécurité ne consiste pas à installer des cafés dans toutes les rues. Une certaine forme de délinquance a disparu ; une autre est apparue. Des bagarres éclatent à la fermeture des cafés dont l’heure de fermeture est laissée à la discrétion des seuls exploitants mais St Géry est aussi  un lieu de trafic, d’impunité et de violence.

Mais il y a aussi cette autre insécurité, l’insécurité qui vient de l’absence d’interlocuteur politique :
Pourquoi les PV ne sont pas suivis des sanctions prévues par la loi ?
Pourquoi la dérogation pour travaux illégaux tient-elle lieu de politique urbaine?
Pourquoi est-il possible de continuer à émettre odeurs et musique, tard dans la nuit, malgré tous les rapports établissant leur nocivité ?
Pourquoi les travailleurs qui habitent le quartier ne peuvent plus bénéficier du WE pour se reposer ; ils sont réveillés toutes les nuits par la musique.
Pourquoi les discothèques illégales sont toujours tolérées ?

Nous espérons que cette privatisation de l’animation ne cache pas l’absence de projet socio-économique et culturel de la ville.

Ce serait une erreur de croire que l’on attire les habitants en n’attirant que des consommateurs.
Ce serait une erreur de croire qu’un quartier animé est inévitablement un quartier où il ne faut pas habiter.
Saint Géry, de par sa monofonctionnalité, accueille difficilement des familles avec enfants, des personnes âgées et handicapées, des habitants qui veulent dormir la semaine et se reposer le WE. Saint Géry, c’est pour qui, alors ?

L’Horeca y est en trois dimensions : il est en longueur dans des endroits déconseillés par les pompiers ; il est en largeur en installant les fumeurs sur les trottoirs ; il devient en hauteur en s’installant aux premiers étages, le tout sans autorisation ou après dérogation.

Nous ne sommes pas des obsédés des sanctions mais nous observons quand même que des infractions dument constatées et répétées, bien connues de tous et relatives à la santé et la sécurité des habitants mais aussi des clients, ne sont jamais suivies d’effet.
Qu’allez-vous faire pour que cela change ?

Combien faudra t-il encore de PV pour que les terrasses des établissements laissent le passage de 1,5 m pour les piétons et les personnes à mobilité réduite; pourquoi les normes des pompiers, en matière de sécurité, ne sont pas respectées ? Faudra-t-il un incendie, que les pompiers ne pourront maîtriser à temps parce que la rue est encombrée, dans des cafés qui ne peuvent contenir que 80 ou 100 clients et qui en accueillent deux voire trois fois plus ? Que direz-vous, en pareil cas, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et messieurs les échevins ?

Quelle catastrophe attendez-vous pour dire votre autorité, pour exercer votre pouvoir ?

Ce que nous voulons, c’est une véritable politique sociale, économique et culturelle et non la sous traitance à des Horeca ou organiseurs d’événements; ce ne sont pas eux nos élus ; ce ne sont pas eux nos échevins ; c’est vous mesdames et messieurs membres du collège, vous mesdames et messieurs les conseilleurs communaux qui êtes élus pour définir des projets qui conviennent à tous ; cela demande le courage de l’arbitrage, l’élaboration d’un projet urbain, la reprise en main de vos nobles fonctions politiques. Si vous ne le faites pas, personne n’en sortira gagnant à moyen terme, même si certains gagneront encore quelques batailles et quelque argent à court terme.

Que pensez-vous de la situation des habitants de la Résidence Candler, gérée par le CPAS ; pourquoi tolérez-vous 5 discos ou discos clandestines à moins de 50 mètres de cette résidence de 88 appartements pour personnes malades et âgées ?

Nous vous demandons

1.     par mesure de santé publique, le respect et le contrôle d’application des normes de l’IBGE en matière de bruit et d’odeur; nous demandons une heure de fermeture des établissements; beaucoup de grandes villes ont ce type de règlements et le pouvoir en place ne passe pas nécessairement pour être un pouvoir mettant en danger les libertés fondamentales. Ce doit donc être possible à Bruxelles, par une volonté politique.

2.     que les lois et règlements  - vos lois et vos règlements - soient appliqués ;  c’est un minimum qui, pour l’instant, n’est pas acquis ; notre dossier fourmille de cas concrets et souvent interpellant.

3.     un moratoire sur le développement du secteur Horeca dans ce quartier ; le développement anarchique actuel illustre votre difficulté de gérer ce qui s’y passe et de faire appliquer les lois et règlements.

4.     un audit du quartier, avec toutes les forces vives : économique, politique, sociale, culturelle, les habitants, secteur Horeca, les représentants des personnes âgées de la Résidence Candler, , ceux qui désirent ouvrir d’autres commerces; nous devons examiner les acquis et les échecs et, sous votre responsabilité, aboutir à la définition d’un plan particulier d’aménagement.

5.      une première rencontre de travail, sous votre présidence, pour établir un calendrier et un agenda de travail et apporter des solutions aux nombreux problèmes que vous connaissez.


Mesdames et Messieurs,

Quand la loi n’est plus respectée, c’est que, pour certains, - pas pour nous -  le politique n’est plus respectable.
Lorsque le politique n’est plus respectable, il n’y a plus de citoyens mais uniquement des clients: des clients de cafés, des clients pour des services ou des clients électoraux; quand il n’y a plus que des clients, la démocratie est fragilisée.

Je vous remercie pour votre écoute, en attendant votre invitation pour une première réunion de travail avec tous les acteurs concernés. Dans le RESPECT.